Comment les propriétaires d’entreprises optimisent leurs placements pour réduire l’impôt ?
Les propriétaires d’entreprises font face à des défis fiscaux bien plus complexes que la plupart des investisseurs.
Souvent, une grande partie de leur épargne est placée dans des environnements imposables, comme des placements détenus dans des compagnies de gestion ou dans des comptes non enregistrés personnels.
De ce fait, une gestion fiscalement efficiente de leurs placements devient cruciale.
Après tout, un dollar d’impôt économisé est un dollar de plus dans nos poches : un gain garanti et sans risque!
Les objectifs recherchés par les entrepreneur(e)s :
- Réduire les impôts à payer
- Reporter le paiement des impôts restants dans le temps (car il vaut mieux payer 1 dollar d’impôt dans 15 ans que maintenant)
Un rappel pour commencer
Avant d’entrer dans les détails, rappelons que les placements peuvent générer différents types de revenus, chacun étant taxé différemment.
Le but de cet article est de rester pratique. Nous éviterons donc les calculs complexes.
Cela dit, dans une compagnie de gestion, voici les types de revenus, classés du plus avantageux au moins avantageux sur le plan fiscal :
- Retour de capital
- Gain en capital
- Dividendes canadiens
- Intérêts
- Revenus étrangers
Trois stratégies clés pour optimiser la fiscalité des placements
Clé #1 : Utiliser l’efficience fiscale comme critère de sélection
L’idée est simple et vise le premier objectif des entrepreneur(e)s dans la gestion de leurs placements : réduire les impôts à payer.
Lors de la sélection des produits pour leurs portefeuilles, les propriétaires d’entreprise doivent intégrer l’efficacité fiscale des revenus générés comme un critère clé de leur décision.
Si deux produits offrent des caractéristiques similaires en termes de rendement espéré, de type de produit et de niveau de risque, l’efficience fiscale pourrait bien être le facteur décisif.
Voici quelques exemples courants :
- Privilégier les fonds communs de placement en catégorie de société à capital variable aux fonds communs en fiducies.
Contrairement aux fonds communs en fiducies, les fonds communs de placement en catégorie de société à capital variable ne peuvent pas distribuer de revenus d’intérêts ou de revenus étrangers. Cela permet d’éviter les deux types de revenus les plus pénalisants pour une compagnie.
- Privilégier les obligations à escompte aux certificats de placements garantis (CPG).
Une obligation à escompte, achetée sous sa valeur nominale (qui est la valeur qui sera remboursée à l’échéance), est intéressante d’un point de vue fiscal, car la plus-value réalisée entre l’achat et l’échéance est taxée comme un gain en capital, plutôt que comme un revenu d’intérêt.
Pour un même rendement brut, cela se traduit par un meilleur rendement net après impôts.
Exemple réel comparant trois produits à court terme conservateur dans une compagnie (offres disponibles le 8 mai 2024) :
CPG 1 an meilleur taux (5,15 %)** | Obligation gouv. CAN – 0,95 % à 96,23 $, nominal 100 $ au 15-06-2025 | Obligation corporative – Volkswagen credit – 1,5% à 95,45, nominal de 100 $ au 23-09-2025 * | |
Montant investi | 100 000 $ | 100 000 $ | 100 000 $ |
Rendement brut annuel | 5 150 $ | 4 500 $ (950 $ intérêt et 3 550 $ en G/C) | 4 980 $ (1 500 $ intérêts et 3 480 $ en G/C) |
Impôts (50,17 %)*** | (2 584 $) | (1 367.13 $) | (1 625.51 $) |
Rendement net ($) | 2 566 $ | 3 132.87 $ | 3 354.49 $ |
Rendement net (%) | 2,57 % | 3.13 % | 3,35 % |
* Contrairement aux CPG et aux obligations du gouvernement fédéral, les obligations corporatives ne sont pas garanties.
** Les taux sont en date du 8 mai 2024. Tous les taux sont annualisés et peuvent changer sans préavis.
*** Sur la partie imposable, soit 100 % de l’intérêt et 50% du G/C.
Quelques observations :
- Le % d’intérêt peut être très trompeur. Dans un environnement imposable, un % élevé est parfois un facteur négatif.
- Porter attention à l’efficience fiscale peut bel et bien apporter des rendements supérieurs.
- Considérer des produits offrant un report d’impôt dans le temps.
Certains produits, comme certains fonds négociés en bourse par exemple, offrent des caractéristiques permettant de reporter entièrement l’imposition au moment de la vente.
Cela permet de ne pas être taxé annuellement sur des distributions d’intérêts, de dividendes, de revenus étrangers et autres, ce qui reporte la charge fiscale dans le temps tout en produisant ultimement un gain en capital lors de la vente, soit un type de revenu plus efficient que les distributions les plus courantes.
On peut donc parler de plusieurs années de croissance sans payer un seul dollar d’impôt EN PLUS d’une facture d’impôt totale moins grande, car considérée entièrement comme du gain en capital!
Un autre exemple se trouve dans certains mandats de marchés privés qui offrent le même genre de caractéristiques de reports en raison des conventions fiscales entre le Canada et le pays où le gestionnaire à son siège social.
D’ailleurs, les mandats de marchés privés sont un outil puissant des propriétaires d’entreprises… qui seront abordés dans un autre article.
Clé #2 : Classer les bons placements dans les bons environnements
Même si cet article se concentre sur les environnements imposables, les propriétaires d’entreprises ont également accès à d’autres environnements avec des règles fiscales différentes, comme par exemple les régimes enregistrés suivant :
- Régime de retraite individuel (RRI)
- Régime enregistré d’épargne retraite (REER)
- Compte d’épargne libre d’impôt (CELI)
- Régime enregistré d’épargne étude (REEE)
- Régime enregistré d’épargne invalidité (REEI)
- Compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP)
Chaque environnement a ses propres règles fiscales, ce qui signifie qu’il y a un meilleur et un moins bon choix selon les circonstances.
Voici quelques exemples fréquents :
- Tenter de « cacher » les moins bons revenus.
L’idée est simple : les revenus les moins coûteux en impôts devraient être placés dans des environnements imposables, tandis que les revenus plus pénalisants devraient être « cachés » dans des comptes enregistrés où la nature du revenu n’a plus d’importance.
Par exemple, si j’ai des produits qui offrent des rendements forts en contrepartie d’un risque plutôt faible, mais qu’il s’agit de revenu d’intérêt, on pourrait considérer une attribution dans un compte enregistré plutôt que dans le compte corporatif.
À l’inverse, si j’utilise un des produits de report d’impôt de la section précédente, le fait d’utiliser de l’espace de mes abris fiscaux pour celui-ci serait presque inutile. Mieux vaut alors les acheter dans la compagnie de gestion.
- Porter attention au rendement attendu pour choisir entre différents comptes enregistrés.
Si la nature du revenu perd de son importance dans les comptes enregistrés, le rendement attendu reste pertinent.
Tout d’abord, un rappel :
- Le CELI ne donne droit à aucune déduction fiscale au moment de la cotisation. Aussi, il ne donne lieu à aucune imposition au moment du retrait.
- Le REER donne droit à une déduction fiscale au moment de la cotisation. Cependant, les retraits futurs sont imposables à 100 %.
Et maintenant un exemple simple :
- Si j’ai deux produits qui générèrent du revenu d’intérêt, dans les deux cas, je n’aurai aucun impôt à payer dans un REER ou un CELI au moment où le revenu m’est versé. La nature du revenu n’a donc pas d’impact.
Ceci dit, si je m’attends à un rendement moyen de 9 % sur le produit A et seulement 5 % sur le produit B, alors je voudrai que mon produit A soit dans mon CELI et mon produit B dans mon REER. En effet, comme je ne paierai jamais d’impôt sur les gains de mon CELI, je veux que mes gains les plus forts s’y trouvent.
Clé #3 : Réaliser des opérations à des fins fiscales de façon tactique
Les propriétaires d’entreprises vivront plusieurs événements marquants dans leur vie, comme la vente d’une entreprise, d’un immeuble ou d’un terrain. Ils traverseront également des marchés haussiers et baissiers. Tous ces événements peuvent offrir des opportunités de planification fiscale opportunistes.
- Diminuer la facture fiscale d’une vente de biens personnels en réalisant des pertes latentes dans les placements imposables personnels.
Par exemple, si un entrepreneur vend un immeuble à revenus qu’il détient depuis plusieurs années, les chances sont fortes qu’il réalisera un gain en capital important. Si ce même entrepreneur à des placements personnels imposables, par exemple suite à la vente de son entreprise dans le passé, il est possible qu’à tout moment une partie de ses placements soient en position de baisse de valeur.
Une façon simple de diminuer la facture fiscale sur la vente de l’immeuble est de vendre les placements en position de pertes pour venir réduire le gain en capital global qui sera taxable cette année-là.
À noter que des règles spécifiques existent relativement aux ventes à perte (règles sur les pertes apparentes). Il est donc important de consulter un comptable, un fiscaliste ou un conseiller en placement avec des connaissances fiscales importantes avant de procéder.
- Profiter des marchés baissiers pour sortir des sommes de la compagnie avec un impact fiscal minime.
Tous ceux qui investissent depuis longtemps dans leur compagnie de gestion ont sans doute des plus-values accumulées sur une bonne partie de leur portefeuille. On veut généralement reporter dans le temps la vente de ses placements pour éviter de s’imposer sur le gain trop rapidement et ainsi répondre à l’objectif 2, celui de reporter les impôts dans le temps.
Un marché baissier offre cependant parfois une opportunité tactique de réaliser des gains pour sortir des sommes de la compagnie à peu de frais. En effet, dans un marché baissier, les positions de longue date risquent de rester avec une prise de valeur positive. Les positions plus récentes, cependant, risquent fort bien d’être dans une situation de perte de valeur.
Tout d’abord, un rappel :
Chaque compagnie a un compte de suivi fiscal qui porte le nom de compte de dividende en capital.
Celui-ci fait le suivi des sommes pouvant être sorti dans la compagnie sans impôts. Pour le moment, limitons-nous à dire que pour les placements on parle habituellement de la moitié des gains en capital nets réalisés par la compagnie. Donc, les gains en capital augmentent ce compte et les pertes en capital le diminuent.
Et maintenant l’opportunité :
- Vendre les placements toujours à profit ce qui fera augmenter le compte de dividende en capital.
- Demander à son comptable ou fiscaliste de procéder à un dividende en capital ce qui permettra de sortir les sommes sans impôts personnels de la compagnie.
- Une fois le dividende en capital versé, vendre les placements avec des pertes latentes pour venir annuler une partie ou la totalité des gains réalisés à l’étape 1. Ce faisant, on évite ou diminue la facture d’impôt de la compagnie sur les gains réalisés.
Résultat net : On a pu sortir des sommes de la compagnie de gestion à un coût fiscal global (personnel et corporatif) relativement faible, voire complètement nul.
Conclusion
Un gain fiscal est souvent plus payant qu’un gain boursier… ET il est plus prévisible et sans risque.
Les opportunités et les outils sont nombreux et évoluent constamment. Les propriétaires d’entreprise ont donc intérêt à constamment considérer la fiscalité dans la gestion de leurs avoirs.
Nous espérons que l’article vous aura permis d’avoir des pistes de réflexion pour votre situation personnelle. Nous sommes tout à fait conscients que nous n’avons pas été dans tous les détails, mais, honnêtement :
- Vouliez-vous vraiment encore plus de pages?
- Chaque cas est un cas d’espèce quand on est propriétaire d’entreprise. Il n’est pas possible de fournir une solution uniforme.
Bonne nouvelle cependant, des solutions existent!
Alors, si vous aimeriez voir ce qu’il est possible de faire dans votre propre situation, c’est simple comme prendre rendez-vous :
Rappels importants :
Cette publication cherche seulement à apporter des pistes de réflexion. En aucun cas, le présent texte ne doit être considéré comme des conseils qu’elle qu’en soit la nature que ce soit de nature légale, fiscale ou autre. Le texte ne se veut en aucun cas une recommandation d’achat ou de vente de produits financiers. La lectrice ou le lecteur devrait toujours obtenir des conseils de ses conseillers légaux, fiscaux et financiers avant d’effectuer tout type d’opération ou de planification.
Cette publication a été préparée par Vincent Joly qui est un gestionnaire de portefeuille pour iA Gestion privée de patrimoine inc. Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles du conseiller en placement uniquement et ne reflètent pas nécessairement celles de iA Gestion privée de patrimoine inc. iA Gestion privée de patrimoine inc. est membre du Fonds canadien de protection des investisseurs et de l’Organisme canadien de réglementation des investissements.